Millénium 1
Les hommes qui n'aimaient pas les femmes
MILLENIUM 1
roman traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain
ACTES SUD
PROLOGUE VENDREDI 1« NOVEMBRE
devenu un événement annuel. L'homme qui recevait la fleur fêtait ce jour-là ses quatre-vingt-deux ans. Il sortit le paquet de l'enveloppe et retira le papier cadeau. Puis il souleva le combiné du téléphone et composa le numéro d'un ancien commissaire de police qui depuis sa mise à la retraite était installé en Dalécarlie, près du lac Siljan. Non seulement les deux hommes avaient le même âge mais ils étaient aussi nés le même jour - ce qui, vu le contexte, pouvait paraître de l'humour. Le commissaire savait qu'il allait recevoir cet appel après le passage du facteur vers 11 heures du matin, et il prenait son café en attendant. Cette année, le téléphone sonna dès 10 h 30. Il décrocha et ne s'embarrassa même pas des préambules. — Elle est arrivée, je suppose. Qu'est-ce que c'est, comme fleur, cette année ? — Aucune idée. Je vais la faire identifier. Une fleur blanche. — Pas de lettre, évidemment ? — Non. Rien que la fleur. Le cadre est le même que l'année dernière. Un de ces cadres bon marché à monter soimême. — Cachet de la poste ? — Stockholm. — Ecriture ? — Comme toujours, des majuscules d'imprimerie. Des lettres droites et soignées. Ils avaient épuisé le sujet et observèrent le silence, chacun à son bout de la ligne, pendant une bonne minute.
C'ÉTAIT MAINTENANT
7
Le commissaire à la retraite se pencha en arrière sur sa chaise de cuisine et suçota sa pipe. Il savait très bien qu'on ne comptait plus sur lui pour poser la question qui ferait déclic, la question d'une folle perspicacité qui jetterait une nouvelle lumière sur cette affaire. Ce temps-là était révolu depuis de nombreuses années et la conversation entre les deux hommes âgés avait le caractère d'un rituel entourant un mystère que personne d'autre au monde qu'eux n'avait à cœur de résoudre.
de la plante était