Minou-bonbon
Joseph Périgot
1 Quand il était jeune, le père Latuile était un grand navigateur. Il naviguait sur les toits du quartier-gaiement, car il adorait son métier de couvreur.
-Eh ! Latuile ! lui criait-on d’en bas, nous tombe pas d’sus ! On en reçoit assez comme ça, d’tuiles !
Latuile rigolait. Latuile rigolait tout le temps. Les nuits de tempête, il ne tenait pas au lit. Il sillonnait le quartier, tout excité. Il applaudissait quand une tuile s’envolait. Et quand une cheminée dégringolait, il criait : - Youpi !
Le lendemain, il s’élançait sur sa grande échelle coulissante, avec ses outils de couvreur. Et avec ses bonbons. Oui, plein de bonbons dans les poches du veston. Le père Latuile était gourmant comme un chat. Un jour, pourtant ? Dans une gouttière, il était tombé sur un chat (de gouttière) plus gourmand que lui, plus gourmant que tous les chats.
-Oh ! Le cochon ! S’est écrié Latuile, il m’a piqué tous mes bonbons ! (Le chat s’était caché derrière une cheminée.) T’as même bouffé les papiers avec, eh ! Petit couillon !
Il avait appelé le petit couillon « Minou-Bonbon », et Minou-Bonbon ne l’avait plus quitté. Pendant des années, ils avaient ensemble navigué sur les toits, ils avaient ensemble vieilli, leur poil avait blanchi. Il n’était plus question aujourd’hui de monter sur les maisons. Ils passaient leurs journées sur le pas de la porte, à mâchonner des caramels. Des caramels mous. Ça se mange sans dents, les caramels mous.
2 Nico était leur meilleur copain, dans le quartier. Dès que Nico apparaissant au bout de la rue (et c’était le cas tous les matins d’école), Minou-Bonbon s’élançait vers lui sur ses vieilles pattes, et lui sautait à la poche. A tous les coups, il récoltait un caramel.
-Vieux voleur ! Criait gentiment le père Latuile.
Nico sortait un bout de craie du fond de son cartable. Il écrivait sur les routes : MINOU BONBON EST UN VOLEUR. Nico écrivait ça pour rire, mais surtout pour écrire. Il adorait