Mironpoesie
Introduction par Manfred Overmann
Ce qui caractérise la poésie de Miron dans le texte de « L'homme rapaillé » (L’homme rapaillé. Poèmes 1953-1975, édition de luxe, texte annoté par l’auteur, préface de Pierre Nepveu, couverture d‘après une sérigraphie de René Derouin, Montréal, l’Hexagone, 1994), c’est l'expression « vers en souffrance ». Cette souffrance se réfère d'une part à la création poétique qui a du mal à germer, qui donne du fil à retordre au poète, soit que sa connaissance ne soit pas assez avancée, soit que l'expérience vécue reste emprisonnée dans l'indicible (ibid, p.40). Alors la poésie reste en suspens, en attente, s'accorde une trêve, un répit et le poète tout en s'efforçant de construire à la manière de Mallarmé les plus beaux vers dans un monde qui n'est plus le meilleur des mondes possibles éprouve une profonde douleur existentielle, sa propre difficulté d’être.
La poésie inachevée car empêchée, la non-poésie, traduit la peine, la souffrance et la faillite amoureuse du poète sous forme d‘une dérision fondamentale, négativité ontologique, frère du Mal-aimé d’Apollinaire.
« Je n’ai pas eu de chance dans la baraque de vie,
Hommes, chers hommes, je vous remets volontiers
1- ma condition d’homme
2- je m’étends par terre dans ce monde où il me semble meilleur être rien qu’être homme. »
(ibid, «Déclaration », p.45)
«[...] j’endure dans toute ma charpente ces années vides de la chaleur d'un autre corps."
(ibid, p.62)
Dans ce monde sans issue surviennent pourtant les autres compagnons de misère mais aussi d’espoir pour entamer la lutte, le combat, la révolte, la Résistance. « Je suis un militant comme tant d’autres. » (ibid, «Le jardin du labyrinthe», p.123)
L’engagement politique emboîte le pas sur l’engagement poétique défaillant, et le Miron prolétarien s’emporte dans la lutte sociale faisant poser avec altruisme le salut collectif avant le salut individuel. «La batèche » reflètera une poésie brute de la