Moderato cantabile - incipit
Incipit
Introduction :
Au tournant des années 50 s’ouvre pour le roman « L’ère du soupçon » selon l’expression de Nathalie Sarraut qui remet en cause aussi bien le roman bourgeois hérité du XIXème siècle que le roman existentialiste engagé qui a fleuri pendant et après la guerre. Différents auteurs réunis par la critique sous le terme de « Nouveau roman », bien qu’ils n’aient jamais réellement constitué un mouvement et qu’ils fussent fort différents, s’en prennent aux codes narratifs traditionnels et refusent aussi bien le personnage comme entité psychologique constituée que l’intrigue linéaire ou le narrateur omniscient. C’est à cette mouvance qu’on peut rattacher Moderato Cantabile écrit en 1958. Dans ce récit dépouillé et énigmatique, qui propose pour toute action les dialogues recommencés et tâtonnant de ces deux protagonistes, Marguerite Duras met en scène une jeune femme bourgeoise qui se rend à plusieurs reprises dans un café où a été commis un meurtre. Elle y retrouve un ouvrier, qui semble en connaître certains détails, en buvant du vin. Ils inventent ensemble l’histoire des amants qui les fascine et nouent une étrange idylle. La romancière orchestre déjà quelques-uns des thèmes qui seront récurrents dans son œuvre : à l’impossibilité de vivre dans un milieu social étouffant répond la tentation d’un excès passionnel dont l’aboutissement est la mort. Le passage étudié correspond à l’incipit ; c’est un début in medias res qui nous fait pénétrer de plain-pied dans l’univers du roman. Nous découvrons la protagoniste de l’histoire qui assiste à la leçon de piano de son petit garçon. Comme tout incipit, ce seuil du récit est censé nous révéler, au-delà de quelques bribes d’informations nous permettant de rentrer dans l’histoire, les codes narratifs qui le sous-tendent. On peut se demander si et en quelles mesures il diffère d’un incipit traditionnel et s’apparente au nouveau roman. Pour cela, nous verrons d’abord en quoi il peut