molière
Le texte théâtral et sa représentation
MOLIÈRE
Dom Juan ou le Festin de pierre
Dom Juan et Sganarelle aperçoivent, entre les arbres de la forêt où ils se trouvent, le tombeau d’un
Commandeur, tué autrefois par le libertin. Un Commandeur est, dans les anciens ordres militaires, un chevalier, pourvu d’une commanderie, autrement dit d’une terre accordée en récompense des services rendus. Il s’agit donc d’un homme éminemment respectable aux yeux de la religion et de la société, qui lui a d’ailleurs consacré un mausolée. Dom Juan n’en éprouvera que plus de plaisir à le bafouer.
I.
Sganarelle, faire-valoir1 de Dom Juan
1. La naïveté de l’homme du peuple
Sganarelle a conscience, en entrant dans le mausolée d’un homme tué par son maître, de blasphémer. Il surmonte néanmoins son appréhension et s’extasie devant la beauté plastique du monument : « Ah ! que cela est beau ! Les belles statues ! le beau marbre ! les beaux piliers ! Ah ! que cela est beau ! » (l. 1 et 2). Il y a, dans son admiration naïve, l’étonnement de l’homme du peuple face à la richesse, mais aussi le désir de se rassurer en insistant uniquement sur l’apparence esthétique des lieux. Il n’est d’ailleurs pas capable de dépasser le stade élémentaire de ses émotions, qu’il traduit dans un langage pauvre. Il se contente de répéter, en s’exclamant, l’adjectif « beau ». À cela s’ajoute la volonté de rivaliser avec son maître, esthète2 connaisseur et raffiné, auquel il demande un avis pour confirmer son propre jugement : « Qu’en dites-vous, Monsieur ? » (l. 2). Mais ses remarques basculent dans le ridicule par leur platitude et ne font qu’exciter la verve railleuse et provocatrice du libertin à l’égard de la statue.
2. Le poltron
Sganarelle, croyant conformiste et serviteur soumis, ne peut pas comprendre ni admettre les audaces de son maître. Son comportement est celui d’un poltron. Il voudrait se persuader que cette intrusion dans un