Molire, dom juan
SGANARELLE : Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.
LE PAUVRE : Vous n'avez qu'à suivre cette route, messieurs, et détourner à main droite quand vous serez au bout de la forêt ; mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que, depuis quelques temps, il y a des voleurs ici autour.
DON JUAN : Je te suis obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon coeur.
LE PAUVRE : Si vous vouliez me secourir, monsieur, de quelque aumône?
DON JUAN : Ah! ah! ton avis est intéressé à ce que je vois.
LE PAUVRE : Je suis un pauvre homme, monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix ans, et je ne manquerai pas de prier le ciel qu'il vous donne toute sorte de biens.
DON JUAN : Eh! prie le ciel qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres...Quelle est ton occupation parmi ces arbres?
LE PAUVRE : De prier le ciel tous les jours pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose.
DON JUAN : Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise.
LE PAUVRE : Hélas! monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.
DON JUAN : Tu te moques: un homme qui prie le ciel tout le jour ne peut pas manquer d'être bien dans ses affaires.
LE PAUVRE : Je vous assure, monsieur, que le plus souvent je n'ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents.
DON JUAN : Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah! ah! je m'en vais te donner un louis d'or tout à l'heure, pourvu que tu veuilles jurer.
LE PAUVRE : Ah! monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché?
DON JUAN : Tu n'as qu'à voir si tu veux gagner un louis d'or, ou non: en voici un que je te donne, si tu jures. Tiens, il faut jurer.
LE PAUVRE : Monsieur...
DON JUAN : A moins de cela, tu ne l'auras pas...
SGANARELLE : Va, va, jure un peu; il n' y a pas de mal.
DON JUAN : Prends, le voilà, prends, te dis-je; mais jure donc.
LE PAUVRE : Non, monsieur, j'aime mieux