Monologues tragédies
Monologue dit pour la première fois au Cercle des Castagnettes le 2 avril 1880 par Mademoiselle Octavie d'Andor.
Ah ! c'est trop fort ! je suis en rage!
Me traiter de cette façon !
Vous figurez-vous qu'à mon âge,
Maman me chasse du salon !
Oui, c'est le mot ! maman me chasse
Sans crainte de m'humilier.
Mais à la fin, cela m'agace,
Et je suis lasse de plier !
Je suis une bonne nature,
Je patiente, mais... tout doux !
Il ne faut pas que cela dure
Ou je me fâche, voyez-vous !
Enfin, à vous tous j'en appelle !
N'ai-je pas raison franchement ?
Me voici grande demoiselle :
Pourquoi me traiter en enfant ?
Ce qu'on m'a fait, c'est une honte,
C'est une atteinte à mon honneur !
Je sens le rouge qui me monte.
Mais l'on verra si j'ai du coeur !...
Tantôt à la porte l'on sonne,
- J'étais avec mère au salon -
Et soudain, voilà que la bonne
Annonce: « Monsieur Montalon ! »
« Monsieur Montalon ! fait ma mère,
Vite, fillette, viens t'asseoir,
Et tiens-toi bien, car c'est le père
Du jeune homme de l'autre soir ! »
« Et tiens-toi bien, car c'est le père
Du jeune homme de l'autre soir ! »
Pourquoi me dit-elle ça, mère ?
Quel rapport ça peut-il avoir ?
Enfin monsieur Montalon entre...
Si vous saviez comme il est fait !
Vieux, chauve, petit, un gros ventre !
Non, je n'ai rien vu de si laid !
Et pourtant, le fils, ce me semble,
Du père est le portrait frappant !
C'est drôle que l'on se ressemble,
Et que l'on soit si différent !
Car le fils, ne vous en déplaise,
Est vraiment un joli garçon
Mais je m'étonne qu'il me plaise,
Quand je vois monsieur Montalon.
Bref, quand maman, selon l'usage,
Eut fait la présentation,
Je le vois qui me dévisage,
Avec grande obstination!
Je me sentais embarrassée,
Et cela se comprend vraiment !
Se voir ainsi dévisagée,
Je vous assure, c'est gênant !
Lorsqu'il m'eut bien considérée,
Le vieux réfléchit un instant
Puis, d'une voix très altérée,
Dit en s'adressant à maman :
« Ah !