Monstruosité et portraits

1556 mots 7 pages
Portrait des Thénardier

On n’a encore aperçu dans ce livre les Thénardier que de profil ; le moment est venu, j’en suis sûr, de tourner autour de ce couple et de le regarder sous toutes ses faces. Les lecteurs ont peut-être, dès sa première apparition, conservé quelque souvenir de cette Thénardier grande, blonde, rouge, grasse, charnue, carrée, énorme et agile ; elle tenait, nous l’avons dit, de la race de ces sauvageresses colosses qui se cambrent dans les foires avec des pavés pendus à leur chevelure. Elle faisait tout dans le logis, les lits, les chambres, la lessive, la cuisine, la pluie, le beau temps, le diable. Elle avait pour tout domestique Cosette[1] ; une souris au service d’un éléphant. Tout tremblait au son de sa voix, les vitres, les meubles et les gens. Son large visage, criblé de taches de rousseur, avait l’aspect d’une écumoire. Elle avait de la barbe. C’était un fort de la halle[2] habillé en fille. Elle jurait splendidement ; elle se vantait de casser une noix d’un coup de poing. Sans les romans qu’elle avait lus, et qui, par moments, faisaient bizarrement reparaître la mijaurée[3] sous l’ogresse, jamais l’idée ne fut venue à personne de dire d’elle : c’est une femme. Cette Thénardier était comme le produit de la greffe d’une donzelle sur une poissarde. Quand on l’entendait parler, on disait : « C’est un gendarme » ; quand on la regardait boire, on disait : « C’est un charretier » ; quand on la voyait manier Cosette, on disait : « C’est le bourreau ». Au repos, il lui sortait de la bouche une dent. Le Thénardier était un homme petit, maigre, le visage blême, les pommettes anguleuses, le front osseux, le corps chétif, qui avait l’air malade et qui se portait à merveille ; sa fourberie commençait là. Il souriait habituellement par précaution, et était poli à peu près avec tout le monde, même avec le mendiant auquel il refusait un liard. Il avait le regard d’une fouine et la mine d’un homme de lettre. Sa coquetterie consistait à boire avec

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