Nana
Paru en 1880, Nana est le neuvième roman de la série des Rougon-Macquart. Zola fait apparaître Nana dans L'Assommoir où, déjà marquée par la sensualité et le vice, elle plaît aux hommes. Elle représente le type classique de la fille perdue : Nana est une actrice enrichie grâce à ses amants fortunés. Au chapitre 11 du roman, Nana, déjà en pleine gloire, assiste à une course hippique pour se montrer plus que pour apprécier la performance sportive de la pouliche qui porte son nom. La scène pourtant est digne d'être contemplée : le mouvement s'imprime d'abord à la course elle-même puis à la foule entière. Mais ce spectacle se charge immédiatement de valeurs symboliques, notamment par le jeu des images proprement épiques.
Partie 1
Nous assistons ici au Grand Prix de Paris du 8 juin 1879. Le romancier naturaliste qui s'était essayé à ce genre de chronique journalistique en 1876, veille à utiliser le vocabulaire des courses : le jockey de petite taille (" vieil enfant desséché ", pourvu d'"étriers" et d'une "cravache", " jette Nana au poteau, battant Spirit d'une longueur de tête ". Le cadre est bien celui d'un champ de courses : on retrouve " la piste, l'enceinte du pesage " et " les tribunes " Les noms propres (le " Bois ", " le mont Valérien ", " Longchamp " et " Boulogne ") tracent un périmètre plus vaste à la scène. Puis des lieux indéterminés élargissent encore l'angle de vision : " allées lointaines ", " sous les arbres ". C'est le regard qui est d'abord sollicité : " On vit alors une chose superbe ". Le verbe, neutre, prend un sens grandiose avec l'adjectif "superbe". La brièveté de la phrase et l'indétermination de " chose " laissent attendre les détails de cette vision. L'indéfini " on " renvoie à tous les participants : spectateurs, narrateur et juge, " l'œil à la mire ". Le couple du jockey et de son cheval aux " yeux sanglants " est sous le regard attentif de la foule qui elle-même deviendra spectacle de délire dans la seconde partie du