Nathalie Sarraute
Dans son livre Enfance (1983), Nathalie Sarraute rassemble des souvenirs de ses onze premières années.
Natacha, surnommé "Tachok", est une enfant ballottée entre deux pays (la France et la Russie), et de ce fait partagée entre deux langues. De plus, ses liens affectifs oscillent entre ses parents : une mère lointaine et de plus en plus distante qui est restée à Saint-Pétersbourg et qui a avec sa fille des relations presque indifférentes, et un père attentif, exilé à Paris, auprès de qui s’interpose cependant une belle-mère d’une froideur souvent perfide
La narration s’arrête au moment où la petite fille entre en sixième.
L’une des originalités de ce livre réside dans le dédoublement de la narratrice. Deux voix y présentent des événements de l’enfance : l’une raconte (le " je "), l’autre critique et observe en remettant en cause l’authenticité d’une telle entreprise qui consiste à recomposer le passé.
L’une de ces voix assume la conduite du récit, l’autre représente la conscience critique. Selon les moments, cette seconde voix freine l’élan de la première, la met en garde contre les risques de forcer l'interprétation ou inversement la pousse à l'approfondir. Grâce à ce système des deux voix, nous avons deux livres en un : d'une part un récit d'enfance, de l'autre un témoignage sur la méthode d’investigation du passé élaborée par l’auteur pour déjouer les pièges traditionnels de l'entreprise autobiographique
Bien sûr, l’une des originalités du livre réside dans la "dialoguisation" du récit autobiographique. Un dialogue de ce genre n’est ni classable parmi les dialogues intérieurs, qui confrontent les instances psychiques, ni parmi les dialogues extérieurs qui mettraient en présence des interlocuteurs distincts. Il