Nedjma de kateb yacine
[pic] « Notre tribu, autant qu’on s’en souvienne, avait dû venir du Moyen-Orient… jamais tu ne l’épouseras. » (Seuil, coll. Points, 1956, p. 24-129)
À l'horizon du texte : une femme, Nedjma
par Jeanne-Marie Clerc
Introduction
L’impression générale, à la lecture de ce texte, renforce la complexité d’un récit qui s’est affiché dès les premières pages du roman comme difficile à suivre. Cette complexité tient ici à l’irruption brutale d’une histoire mythique relayant l’Histoire événementielle liée au 8 mai 1945 à Sétif, et sur laquelle s’ouvrait le roman. Cette fin de troisième partie évoque en effet les ancêtres, avec toutes les incertitudes liées au mythe, c’est-à-dire à un récit des origines à la fois ambigu et polysémique. On aboutit à une recontitution imaginaire hypothétique (« notre tribu, autant qu’on s’en souvienne... ») sur laquelle se greffe l’évocation historique de la découverte de corps assassinés dans la mosquée et la répression du colonisateur. Les précisions terminologiques précisément datées confèrent au récit l’apparence d’une chronique (« quelque expert des Affaires Indigènes… ils furent nommés caïds et cadis d’office… les registres d’état-civil », p. 126-27). Mais l’incertitude liée à l’imaginaire mythique contamine l’évocation historique et affecte l’identité des victimes qui « prête encore, de nos jours, à confusion ». De même que la référence littéraire au Meurtre dans la cathédrale, par similitude avec celui dans la mosquée, ne fait que renforcer l'ambiguïté sur la signification historique de l’événement. Inversement, l’Histoire se mêle au mythe, soulignant l’insoumission des ancêtres face aux conquérants, depuis les Romains jusqu’aux Français, insoumission facilitée par la position retranchée du mont Nadhor où ils vivaient. La greffe de l’histoire particulière des protagonistes sur ce contexte mythico-historique, par