Ni etats-unis mars, ni europe vénus
Serge Sur
Mars et Vénus : voici peu, Robert Kagan, auteur américain proche des néo-conservateurs, caractérisait ainsi les Etats-Unis par opposition à l'Europe. Mars ou l'Amérique, les vertus combattantes, le choix de l'action, le refus de compromettre dans l'adversité, le courage viril. Connaître son ennemi et le combattre, c'est tout un. Vénus ou l'Europe, le sens de la conciliation, la recherche de l'harmonie, le culte des valeurs faibles, l'amour universel. Apaiser l'adversaire, lui tendre un rameau d'olivier, voilà la sagesse. Lui fait écho ce succès récent de librairie, selon lequel les hommes viendraient de Mars et les femmes de Vénus, de sorte que la mésentente entre les sexes serait inévitable.
Au-delà du machisme que véhicule ce type d'images, on peut à l'évidence contester leurs sous entendus négatifs - la naïveté, l'impuissance, voire la lâcheté de l'Europe contrastant avec la force nécessaire, responsable et bienfaisante des Etats-Unis. Si l'on veut à tout prix se fonder sur la mythologie pour distinguer les deux continents, pourquoi ne pas recourir au vieil Homère, à ces deux matrices de la littérature que sont l'Iliade et l'Odyssée ? La colère, la violence et la préférence pour les solutions militaires des Etats-Unis n'évoquent-elles pas le bouillant Achille, tandis que la prudence, la subtilité et la maîtrise du temps de l'Europe ne rappellent-elles pas le rusé Ulysse ?
Il est vrai que chacun agit selon ses moyens. Aux Etats-Unis la supériorité technologique - ou du moins son image - la suprématie militaire, la capacité d'agir seuls, sans avoir à se soucier de délibérations ou de décisions internationales, la volonté de faire prédominer leur intérêt national sur toute autre considération, le dédain des contraintes juridiques extérieures. A l'Europe la pratique du multilatéralisme, le poids dans les organisations internationales, le souci de comprendre les autres, le respect du droit international. Aux