Note de recherche
La Colonie représente la troisième pièce qui s’inscrit dans la lignée des pièces utopiques de Marivaux et qui rend compte de la transposition du genre utopique au théâtre. Rédigée et représentée en 1729, cette pièce a connu un échec, étant retirée tout de suite de l’affiche et publiée ultérieurement, dans le Mercure de France, en 1750. Prenant comme point de départ le même motif utopique de l’île, la pièce met en scène une petite communauté de gens de toutes les conditions sociales, ayant quitté leur pays d’origine après sa conquête par des ennemis ; ils s’établissent dans une colonie, où ils essaient de fonder une société nouvelle sur des bases différentes. Décidées à sortir de leurs anciens rôles domestiques subalternes, les femmes souhaitent participer à la consolidation politique et sociale du nouvel État et réclament leur droit à l’égalité avec les hommes, malgré les nombreuses dissensions qui partagent leurs opinions. Disposées à s’impliquer dans toutes les activités politiques et sociales, les femmes sont malmenées par les hommes, qui leur font croire à une attaque des indigènes, ce qui rétablit l’ordre initial, celles-ci retournant à leur rôle traditionnel au sein de la famille, avec toutefois la promesse, de la part des hommes, de prendre en considération leurs revendications lors de l’établissement des nouvelles lois pour la république.
Cette dernière pièce utopique de Marivaux reprend la thématique du renversement des rôles sociaux traditionnels entre les femmes et les hommes (renversement qui apparaît dans la première pièce L’île des esclaves au sujet des relations entre les maîtres et les valets), à laquelle s’ajoute la problématique de l’émancipation féminine esquissée, dans L’île de la raison, par l’inversion des pratiques amoureuses et par l’ébauche d’un type de femme plus active, qui se trouve dans une position de domination par rapport à l’homme. Mêlant donc des traits des deux pièces antérieures, La Colonie témoigne