Nourrir sa vie
« Nourrir » fait à la fois référence au plus matériel, au degré zéro du destin, et au plus élaboré. Ce vocable reflète la conception occidentale de l'homme qui s'appuie sur la séparation du corps et de l'âme.
En chinois, la formule usuelle « nourrir sa vie », « yang sheng », n'exprime pas cette séparation.
La pensée chinoise ne sépare pas le corps et l'esprit et lie même profondément les sens et la conscience ;
Cf Mencius : « Notre forme (physique) est notre nature émanant du ciel ; il n'y a qu'en devenant un sage qu'on peut ensuite tenir pleinement sa forme ».
Par suite, « nourrir sa vie » renvoie au potentiel vital.
Ne pensant pas l'existence de l'âme, cette philosophie n'a pas pour objectif la vie éternelle mais la longue vie. Dans cette perspective, la pensée chinoise invite à décanter pour « lâcher prise », à s'adapter. L'impassibilité est aussi mise en exergue - non comme une valeur morale -mais comme stratégie.
Cf arts de la guerre en Chine :
Vouloir être plus fort que l'adversaire est risqué et coûteux en énergie
La vraie défense consiste à faire en sorte de ne pas avoir à se battre, « dé-réagir » (l'autre est désemparé et je m'économise)
La vie n'est pas expliquée par un enchaînement de causalité mais par « la processivité », dans laquelle se réalise le Tao (la voie).
Cela est « naturel » plus encore cela fait « destin ».
Cette « induction processive », au point que s'oublie la procédure est la voie de la non-usure, pour la longue vie.
Ex : Confucius voyant un homme s'ébattre dans une chute d'eau puis en ressortir le questionne sur le Tao, l'homme répond : « je descends avec les tourbillons et remonte avec les remous [...] je ne fais que suivre le Tao de l'eau et n'ai rien en propre. »
« Nourrir sa vie » n'est pas la pensée du bonheur.
Privilégier le bonheur, c'est faire ressortir qu'il existe aussi l'autre face, le malheur.
L'idée du bonheur est omniprésente dans la pensée