Nouvelle noire
James Thurber, écrivain américain du début du vingtième siècle a écrit un jour : «Tôt au lit et tôt levé font un mâle robuste, riche et fort ». Robustes et forts les pêcheurs tangérois l’étaient, mais riches ils ne l’étaient pas ou peut être de cœur. Il était 7 heures du matin sur la plage Malabata de Tanger, le soleil avait presque fini de chasser l’obscurité glaciale de la nuit. D’un pas cadencé et rythmé par des chants ancestraux qui ventaient la vie solitaire et le courage solidaire du marin, les pêcheurs tiraient le filet qu’ils avaient déployé la veille au large. Cela pouvait durer des heures, rien qu’à voir leurs jambes de porteur de bagages en hautes montagnes népalaises, on devinait aisément la dureté de cette tâche. Les amateurs de poisson frais et même très frais étaient déjà là avec l’impatience du chercheur d’or qui touche presque au but. Il régnait un silence naturel. Comme le bruit du ressac, le chant des pêcheurs était inscrit dans le silence, sûrement que la cohue des spéculations commencera au moment de découvrir ce que Poséidon a bien voulu introduire dans les filets. Il ne reste que quelques mètres de cordes à tirer, on apercevait les petits poissons rescapés qui passaient entre les mailles du filet pour retrouver leurs eaux. Le Rais (chef ou commandant) et deux de ses subalternes s’approchaient du filet pour le hisser sur le sable, soudain des «Allahouakbar » ont retenti. Sauf dans l’esprit du Rais, la confusion était à son paroxysme car on distinguait clairement entre le varech et toute sorte de poisson, un corps humain. Après avoir appelé la police et pour remettre un peu d’ordre dans ce remue-ménage, lui qui en a vu bien d’autres, le Rais cria d’un air autoritaire: « Ne touchez à rien avant l’arrivée de la police et ceux qui tiennent encore leurs ablutions du Soubh placez vous derrière moi, on va prier pour l’âme de ce pauvre homme». De toute les manières, personne n’allait toucher à ces poissons même pas