Nuits
Dépuis la rupture définitive avec George Sand, le poète est resté muet, lorsqu’en mai 1835 il sent qu`il y a “ quelque chose dans l`âme qui demande à sortir “.
Le dialogue entre la Muse et le Poète est la transposition du débat entre le génie créateur de Musset et le coeur de l`homme trahi, présque égaré par son malheur. Le poète est écroulé, abattu par la douleur et réduit au silence. Épuisé, il ne sent plus la force de crier sa souffrance: “Je ne chante ni l`espérance,/ Ni la gloire, ni le bonheur… /Hélas! Pas meme la souffrance/ La bouche garde le silence.”
La Muse exhorte le poète à chanter et lui propose d`oublier son mal en laissant errer son inspiration; mais il persiste à se taire et demeure abîmé dans sa douleur. La douleur est destinée à enrichir la substance poétique, toute acte créateur se réalise dans la souffrance.
Sous la forme d`un dialogue entre le Poète et la Muse, Musset se livre à une réflexion profonde sur la legitimité littéraire de la souffrance. L`allégorie du Pélican en est l`enseigne.Le pelican a une attitude hautaine ( il s`enferme dans le silence) et il et malheureux:
“Poète, c`est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s`égayer ceux qui vivent un temps.
Mais les festins humains qu`ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pelicans.
Quand ils parlent ainsi d`espérances trompées,
/ De tristesse et d`oubli, d`amour et du malheur,
Ce n`est pas un concert à dilater le coeur.
Leurs déclamations sont comme des épées:
Elles tracent dans l`air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.”
Musset travaille toute la nuit, puis toute la journée, et encore la suivante nuit; il écrit la Nuit de Mai, deux cents vers en quelques heures.
Par une sorte de mysticisme poètique, il imagine un dialogue entre la Muse et le Poète. L a