NV CHAP
Je suis là. Je respire. Ma révérence consacre l’espace qui, en retour, s’ouvre et me reçoit. Mon esprit s’accorde à l’unisson et change de fréquence. Dehors, je suis comme sourde. Là, j’entends et je vois à nouveau tout ce qui tressaille autour de moi. La nuit, bien sûr, c’est encore plus fort. Il n’y a pas de tricherie possible. Je suis livrée à moi-même, sans autre alternative que de m’y réfugier. C’est alors que commence la véritable rencontre.
Pas à pas dans la forêt
Généralement, avant de passer la nuit dans la forêt, j’effectue un premier repérage à la lumière du jour, toutes antennes déployées pour « sentir » l’endroit et évaluer les risques. Non pas ceux de la nature, prévisibles et contournables, mais ceux liés à d’éventuelles rencontres importunes. Dans nos forêts occidentales, le seul prédateur sur lequel s’exerce ma vigilance est l’homme, qui plus est celui muni d’un fusil. Mes sens, à l’affût du moindre craquement, du moindre brin de voix, de la moindre trace de passage, s’aiguisent.
Je redeviens animale, vive et instinctive. J’apprends à me cacher et à rendre ma présence de mammifère femelle indétectable. Au moindre doute, je m’accroupis dans un fossé, je grimpe à un arbre ou me recouvre de feuilles mortes jusqu’à me rendre invisible. Si je ne suis en confiance ni avec le lieu, ni avec mes propres capacités –peur, hésitation, fatigue soudaine… – je rebrousse chemin. Si en revanche tout me semble juste, à sa place, je me prépare pour la nuit et, tapie comme une renarde dans sa tanière, j’attends la venue de la pénombre