Ode a cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Introduction
Ronsard a maintes fois traité du thème de la belle indifférente aux transports amoureux du poète. Il en livre ici une version originale où le vocabulaire amoureux rejoint les inquiétudes du poète. Organisé en trois moments, le poème, du vers 1 à 6, offre une vision idyllique de la beauté, pour, dans les 6 vers suivants, faire part d’une inquiétude. Enfin, les douze derniers vers livrent une mise en garde. Dans ce mouvement de progression en basculement, il serait donc intéressant de voir comment Ronsard livre son instance amoureuse en étudiant, dans un premier temps, la beauté de la femme lorsqu’elle est rapprochée de celle de la fleur, puis, dans un deuxième temps, la stratégie amoureuse mise en place par le poète.
I La beauté et la femme
Construit autour d’une rose dont il s’agit de détailler les atouts, le poème propose une métaphore filée de la femme.
a) Métaphore de la fleur
- Sous le prétexte d’admirer cette rose, le poète construit en effet une métaphore autour de la femme. Celle-ci n’est désignée que par le titre « mignonne » (v. 1, v. 13), les pronoms personnels des 12 premiers vers renvoyant eux à la rose.
- La mention de la « robe » (v. 3), reprise par le détail des « plis de sa robe » (v. 5), renvoie aux parures de la femme.
- De même, le choix du terme « teint » (v. 6) désigne explicitement une femme