Oh les beaux jours beckett
TOUT AU LONG DE LA PIÈCE, Winnie dévoile son angoisse face à l'idée de perdre son partenaire. Elle a besoin de lui pour continuer sa journée et jouer son personnage. Il lui suffit juste de savoir qu'il est présent. Elle n'a pas besoin de l'entendre, juste de savoir qu'il vit, ce qui lui permettra de commenter ses actes, sans même qu'il ne lui réponde. Ses remerciements pour le moindre signe qu'il donne sont à la mesure de l'angoisse qu'elle éprouve à l'idée de le perdre. C'est la possibilité de parler qui constitue le véritable objet de son discours et elle doit s'assurer que cette possibilité reste ouverte. Les appels de Winnie scindant le nom en deux : "Wil-liie !", résonnent dans la bouche de Catherine Frot comme une pulsion, révélatrice à la fois de son anxiété et de sa volonté de vivre mais aussi de maintenir Willie en vie. Car même quand elle ne l'interpelle pas et qu'elle prononce seulement son nom dans une phrase, ce dernier retentit comme un appel passionné et pulsionnel. Ce que semble dire Beckett, ce n'est donc pas l'impossibilité de communiquer, puisque Willie répond et réagit quand il le veut, mais ce serait plutôt l'expérimentation des limites de la parole. Le silence est un risque. Les personnages en ont peur et se trouvent contraints de traduire le vide, le rien, le néant… l'innommable.
S'ILS ONT PEUR DU SILENCE, c'est qu'ils ont peur de tarir, de la solitude. Aussi, même quand elle ne parle pas à Willie, Winnie se parle à elle-même, et révèle à voix haute sa voix intérieure. Ce sont les enjeux de la parole et du silence qui vont faire exister ces deux âmes sur scène. A partir du moment où ils sont contraints de rester sur scène, ils se doivent de pratiquer la parole dans un rapport à l'autre ou au spectateur. Mais dans une logique d'amoindrissement, les répétitions de Winnie "plus pour longtemps…" témoignent de sa lucidité et du fait qu'elle est consciente de la disparition de sa propre parole. La pièce devient le lieu