On ne naît pas femme
La célèbre formule de Simone de Beauvoir pourrait bien résumer l'enjeu du débat contemporain sur l'identité du sujet humain. La question du « genre », que l'on dissocie en langue anglaise du « sexe », fonde en effet une problématique qui décide de la façon de considérer les identités historiques ou communautaires, une question centrale dans la démocratie contemporaine.
Que le genre puisse être distingué du sexe entraine la potentialité de leur désarticulation. Dès lors le « masculin » n'est plus entraîné par le « mâle » et le féminin par le « femelle ». En français, le sexe - à supposer qu'il n'y en ait que deux, ce qui est aujourd'hui contesté - entraîne le genre, mais il est évident que, depuis les années 1970, et sans doute avec Simone de Beauvoir, on parle de « féminitude », de « féminité », ce qui suppose que le féminin soit plus grand que le « femelle »...
Tout un univers de pensée se profile dans ces variations, celui de la modernité politique. Le sexe serait « biologique », le genre serait « culturel » - on dirait aujourd'hui « socialement construit ». Si bien que c'est dans le genre que s'affirmerait la liberté et l'humanité de l'humain, le seul domaine ou sa volonté pourrait s'exercer. La phrase de Beauvoir suppose en effet que la condition de femme - avec tout ce qu'elle implique de négatif- n'est pas une fatalité, dans le sens où elle devrait être subie, sans échappatoire possible. Elle supporte deux interprétations. La première énonce un tel jugement au nom de l'existence d'un sujet universel et abstrait qui ne serait ni homme, ni femme et que pourraient revendiquer les femmes assignées à la condition (dégradée) de femmes. De ce point de vue la femme serait définie, dans le meilleur des cas, comme un homme au sexe différent et, dans le pire des cas, comme un homme dégradé : la notion d'homme étant entendue autant dans le sens latin d'humain que de la condition virile de l'homme.