Ondine2
Acte II, Scène 5
Hans, Bertha
Elle embrasse le chevalier, et veut fuir. Il la retient.
LE CHEVALIER : Oh ! Bertha ! Vous, la dignité ! Vous, l’orgueil !
BERTHA : Moi l’humilité… Moi l’impudence…
LE CHEVALIER : Quel jeu jouez-vous maintenant ? Que voulez-vous ?
BERTHA : Ne serrez pas ma main. Elle tient un oiseau.
LE CHEVALIER : J’aime ma femme. Et rien ne me séparera d’elle.
BERTHA : C’est un bouvreuil. Vous allez l’étouffer !
LE CHEVALIER : Si la forêt m’avait englouti, vous n’auriez pas pour moi un souvenir. Je reviens heureux et mon bonheur vous est insupportable… Lâchez cet oiseau !
BERTHA : Non. Son cœur bat. A côté du mien, j’ai besoin en cette minute de ce petit cœur.
LE CHEVALIER : Quel est votre secret ? Avouez-le !
BERTHA (lui montrant l’oiseau mort) : Voilà… Vous l’avez tué.
LE CHEVALIER : Pardon, Bertha !
Il a mis un genou à terre, Bertha le regarde un moment.
BERTHA : Mon secret, Hans ? Mon secret et ma faute ? Je pensais que vous l’aviez compris. C’est que j’ai cru à la gloire. Pas à la mienne. A celle de l’homme que j’aimais, que j’avais choisi depuis l’enfance, que j’ai attiré un soir sous le chêne où petite fille j’avais gravé son nom… Le nom aussi grandissait chaque année !... J’ai cru qu’une femme n’était pas le guide qui vous mène au repas, au repos, mais le page qui rabat sur le vrai chasseur tout ce que le monde contient d’indomptable et d’insaisissable. Je me sentais de force à rabattre sur vous la licorne, le dragon, et jusqu’à la mort. Je suis brune. J’ai cru que dans cette forêt mon fiancé serait dans ma lumière, que dans chaque ombre il verrait ma forme, dans chaque obscurité mon geste. Je voulais le rouler au cœur de cet honneur et de cette gloire des ténèbres dont je n’avais pas peur. Je savais qu’il serait vainqueur de la nuit, puisqu’il m’avait vaincue moi-même. Je voulais qu’il fut le chevalier noir… Pouvais-je penser qu’un soir tous les sapins du monde allaient écarter leurs branches