Où donc est le bonheur
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ANALYSE - LE MYTHE DE SISYPHE
L'objet explicite de Camus, dans ce livre, et ce que chacun en a retenu, c'est en effet, sinon "une philosophie absurde que notre temps, à proprement parler, n'as pas connue", du moins "une sensibilité absurde qu'on peut trouver éparse dans le siècle" et dont Camus a fait, comme il dit, son "point de départ". De quoi s'agit-il ? Cet absurde est fort précisément situé (comme sentiment) et défini (comme notion). Inversons l'ordre de Camus, et commençons par la notion. Rien n'est absurde en soi ou par soi : l'absurde, remarque Camus, naît toujours "d'une comparaison" entre deux ou plusieurs termes disproportionnés, antinomiques ou contradictoires, et "l'absurdité sera d'autant plus grande que l'écart croîtra entre les termes de (la) comparaison". Ainsi, dit Camus, "si je vois un homme attaquer à l'arme blanche un groupe de mitrailleuses, je jugerai que son acte est absurde. De même, pour prendre des exemples traditionnels (mais qu'on ne trouve pas, sauf erreur, chez Camus), les expressions de "montagnes sans vallée" ou de "cercle carré" ne sont intrinsèquement absurdes que parce qu'elles réunissent deux idées incompatibles. L'absurdité n'est donc pas l'absence de sens : ces expressions ont bien un sens (c'est même parce qu'elles ont un sens qu'elles peuvent être absurdes), mais ce sens est contradictoire. De même quand un homme se jette sabre au clair contre un nid de mitrailleuses : son acte peut bien avoir un sens, et même il en a sans doute un, mais il n'en sera pas moins jugé absurde "en vertu de la disproportion qui existe entre son intention et la réalité qui l'attend, de la contradiction que je puis saisir entre ses forces réelles et le but qu'il se propose". Qui dit absurde dit donc dualité, rencontre (mais rencontre impossible ou paradoxale), affrontement : "L'absurde est essentiellement un divorce. Il n'est ni dans l'un ni dans l'autre des éléments comparés. Il naît de