L’œuvre de Maurice Agulhon, bien que mal connue du grand public, a eu, pour les contemporanéistes, un retentissement comparable à ce que Marc Bloch puis Georges Duby ont apporté aux médiévistes. Il a contribué à renouveler tout à la fois l’histoire politique, l’histoire sociale et l’histoire culturelle des XIXe et XXe siècles, en posant des questions d’une grande nouveauté, puisées pour certaines dans l’ethnologie1. Maurice Agulhon, né à Uzès en 1926, a grandi dans une famille d’instituteurs, « solidement “laïques” » et votant à gauche2. Il est élevé, pour reprendre ses mots, « dans une cellule pédagogique au milieu du village »3, cellule au sein de laquelle les adultes sont plus politisés que la moyenne des Français d’alors. Il se dit lui-même « enfant de la République », instruit dans le culte de la méritocratie et du progrès. Il entre en 6e au lycée Frédéric Mistral d’Avignon en 1936, et l’on parle alors beaucoup, chez lui, du Front populaire et de la guerre d’Espagne. Lycéen à Avignon jusqu’en 1943, il intègre à l’issue de sa terminale l’hypokhâgne du lycée du Parc, à Lyon, où il apprécie tout particulièrement l’enseignement de Joseph Hours, qui a côtoyé Marc Bloch dans la Résistance. Il y bénéficie également des cours de Jean Lacroix, et des conférences de Henri-Irénée Marrou - alors professeur à l’Université de Lyon - tous deux catholiques progressistes. C’est ainsi qu’il se passionne pour l’histoire. Et c’est aussi en appréciant le rôle des communistes dans la Résistance qu’il rejoint le Parti communiste en 1946. Il réussit, en 1946 également, le concours d’entrée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, d’où il sort cacique de l’agrégation d’histoire en 1950. Il enseigne alors quelques temps dans des établissements du secondaire, à Toulon, en 1950-1951, puis au prestigieux lycée Thiers de Marseille, de 1951 à 1954, date à laquelle il entre au CNRS comme attaché de recherche auprès d’Ernest Labrousse. Après trois ans au CNRS, il est recruté par Pierre