Pas compris
Chapitre I
Le fantastique
Les dictionnaires donnent au fantastique des définitions qui tirent à hue et à dia. Nous aborderons le problème dans la conclusion. Contentons-nous d’abord de délimiter le territoire du fantastique en précisant ses relations avec les domaines voisins, le féerique, le poétique, le tragique, etc. Chacun pourra lui annexer ou non telle ou telle province contestée. Nous étudierons ensuite l’organisation interne du monde fantastique en examinant les motifs angoissants.
1. Les frontières du fantastique
A) Le féerique
Le féerique et le fantastique sont deux espèces du genre dit « merveilleux ».Le conte populaire est unidimensionnel. Et il lui manque la dimension de numineux. Il use d’un style abstrait : ses personnages sont le roi, la méchante belle-mère ou le prince charmant. Ils ne connaissent ni Umwelt ni temps vécu. Silhouettes précises dans un pays froid, ils n’attirent pas notre sympathie. Nous ne participons pas à leur vie et leurs émois. Les héros atteignent le merveilleux au terme d’un long voyage ; mais ce merveilleux, qui va de soi, n’est pas l’irruption inexplicable du surnaturel dans la nature. La fantaisie s’y déploie librement. Le récit fantastique, au contraire, aime nous présenter, habitant le monde réel où nous sommes, des hommes comme nous, placés soudainement en présence de l’inexplicable. Alors que le féerique place hors du réel un monde où l’impossible, partant le scandale, n’existent pas ; le fantastique se nourrit des conflits du réel et du possible.
Mais, à côté du merveilleux rose, il existe un merveilleux noir où fantastique et féerique se rejoignent. Nous pouvons sans difficulté imaginer la joie dans un univers élyséen – et c’est même dans les pays lointains et les temps reculés que les hommes ont supposé le bonheur parfait – mais il n’est guère possible de rêver la peur sans l’éprouver un peu. Sorciers, diables et mauvais génies des contes de nourrices sont presque