Passage de "si c'est un homme", primo levi
Les rites à accomplir sont infinis et insensés : tous les matins, il faut faire son "lit" de manière qu'il soit parfaitement lisse et plat ; il faut astiquer ses sabots boueux et répugnants avec de la graisse de machine réservée à cet usage, racler les taches de boue de ses habits (les taches de peinture, de gras et de rouille sont admises) ; le soir, il faut passer au contrôle des poux et au contrôle du lavage de pieds ; le samedi, il faut se faire raser la barbe et les cheveux, raccommoder ou faire raccommoder ses hardes ; le dimanche; c'est le contrôle général de la gale et le contrôle des boutons de veste, qui doivent correspondre au nombre réglementaire : cinq.
Sans compter les innombrables circonstances, insignifiantes en elles-mêmes, qui deviennent ici de véritables problèmes. Quand les ongles poussent, il faut les couper, et nous ne pouvons le faire qu'avec les dents (pour les ongles des pieds, le frottement des souliers suffit) ; si on perd un bouton, il faut savoir le faire tenir avec un fil de fer ; si on va aux latrines ou aux lavabos, il faut emporter avec soi tout son attirail sans le lâcher un seul instant, quitte à tenir ses habits roulés en boule et serrés entre les genoux pendant qu'on se lave la figure : sinon, ils disparaissent à la minute. Si un soulier fait mal, il faut se présenter le soir à la cérémonie de l'échange des