Paul Valery
Paul Valéry et l'idée de littérature
Les deux poétiques de Valéry
WILLIAM MARX
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2Une poétique n’est pas un pur système de principes posés dans le ciel des Idées. Elle s’exprime dans des discours à la signification elle-même parfois ambiguë, participants d’une histoire qui peut être complexe, et susceptibles d’impressionner diversement ceux qui les lisent ou les écoutent. Elle a une forme sensible, d’où peuvent se dégager des effets d’ordre proprement poétique, esthétique, affectif, éthique ou conceptuel. Aussi n’est-il pas absurde d’interroger une poétique comme celle de Paul Valéry à partir précisément de ces effets-là, c’est-à-dire de sa réception, en considérant cette dernière comme la manifestation d’une réalité plus ou moins latente dans les discours eux-mêmes. S’il est vrai que la réception actualise des virtualités incluses dans les textes, on peut légitimement essayer de l’interpréter comme un symptôme : l’effet que produit un texte est une question posée à ce texte.
3On partira donc d’un étonnement éventuellement ressenti par le lecteur de Valéry : celui de voir coexister dans les textes de cet auteur deux conceptions de l’œuvre d’art et de la poésie qui paraissent contradictoires a priori. Deux poétiques. De ces deux poétiques, l’une est bien connue depuis longtemps, et il n’est pas nécessaire d’y insister. C’est celle que Michel Jarrety résume comme « les trois lieux communs » de la critique valéryenne : « la valeur d’exercice » attribuée à la poésie, « l’arbitraire de l’achèvement » de l’œuvre et « la nature accidentelle de la publication » 1. Ces trois lieux communs concernent essentiellement le rapport de l’auteur à la création poétique. On peut en outre en ajouter trois autres, plus spécifiquement centrés sur la nature de l’œuvre :
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l’autonomie du texte, appelée aussi par Roland Barthes « mort de l’auteur » :
Mes vers ont le sens qu’on leur prête. Celui que je