Perdrix
Mais je veux, au lieu d’une fable,
Raconter l’aventure vraie
D’un paysan qui, dans sa haie,
Par chance attrapa deux perdrix.
Il les prépara avec soin ;
Sa femme se mit à les cuire,
Sachant parfaitement s’y prendre :
Elle fit le feu, mit en broche ;
Et le paysan sortit vite
Inviter de suite le prêtre ;
Il tarda tant à revenir
Que furent cuites les perdrix.
Retirant la broche du feu,
La dame prit un bout de peau,
Car elle aimait les bonnes choses.
Se tournant vers Dieu, être riche
N’était pas ce qu’elle souhaitait,
Mais satisfaire ses désirs…
Elle attaqua une perdrix,
Elle en dévora les deux ailes ;
Puis elle sortit dans la rue
Voir si son mari revenait.
Comme elle ne le voyait pas,
Elle rentra chez elle aussitôt,
Ne cessa d’arranger l’oiseau,
Si bien qu’il n’en resta plus rien !
Elle réfléchit et se dit
Qu’elle dégusterait bien l’autre…
Elle savait ce qu’elle dirait
Si son mari la questionnait :
Elle dirait que les chats vinrent
Lorsque, en les prenant de la broche,
Ils lui arrachèrent des mains,
Chacun emportant sa perdrix.
Elle s’en sortirait ainsi,
Se dit-elle, tout en allant
Guetter son mari dans la rue ;
Ne le voyant pas revenir,
Sa langue se mit à frémir
En songeant à l’autre perdrix…
Elle deviendrait enragée
Si elle n’en reprenait pas !
Elle détacha doucement
Le cou dont elle se délecta
Jusqu’à s’en pourlécher les doigts.
— Hélas ! dit-elle, que ferai-je ?
Si je mange tout, que dirai-je ?
Mais comment puis-je la laisser ?
J’ai tellement envie d’en prendre…
Eh bien, advienne que pourra !
Je la mangerai tout entière…
Son attente avait tant duré
Que la dame était comme soûle.
Le paysan ne tarda plus ;
Il revint chez lui, s’écria :
— Dis-moi donc, les perdrix sont cuites ?
— Monsieur, dit-elle, quel malheur !
Les chats les ont toutes mangées !
Le paysan