Lucien, Lucien est un jeune homme qui a connu dans sa vie une déception amère. Cette déception l’a mis en dehors de l’histoire et en dehors de la vie, elle a fait de lui “un témoin” qui n’agit plus et qui n’est qu’une présence absolue. Il sait tout, il prévoit tout. Même s’il a la possibilité d’agir, de changer sa vie, d’empêcher la tragédie, il ne fait rien. Il s’intéresse uniquement à une lettre concernant son départ en Afrique qu’il attend. Or, en attendant il guide les autres personnages vers la tragédie. Il y a un moment apparemment banal mais en réalité très important au cours duquel Lucien commence à prononcer ses paroles prophétiques. Fidèle à son nom (du latin “lucis”), il montre sa lucidité incroyable et fatale. On pense à ‘l’assassinat’ du poulet Léon. Au moment où Lucien voit couler le sang d’un être innocent, il annonce les prémices de la tragédie: Lucien en témoin passif observe la première rencontre de Jeannette et de Frédéric. Il est là aussi pendant le départ des amoureux et bien qu’ils ne lui aient rien dit, il sait tout. Il nous suggère l’image d’un Dieu cruel et impitoyable qui n’aime pas le bonheur des autres :“Tout ce qui est bon est défendu ... chaque fois qu’on est heureux, cela le met ... enit tout dès ses olère ... trichez avec tout, avec vous surtout ... c’est le seul moyen pour que l’autre là-haut vous laisse tranquille.” Chez Lucien, on ne peut pas parler du dialogue, car il n’écoute personne et il n’attend aucune réponse. Ses paroles, c’est une suite de monologues isolés. Courts au début de la pièce, ils deviennent de longues tirades à l’instar de la tragédie antique. Son langage devient de plus en plus pathétique et littéraire. À la fin, après la noyade des amants, il déclame comme un chœur antique: “Amour, triste amour, tu es content? Cher cœur, cher corps, chère romance. Est-ce qu’on n’a pas des métiers à faire, des livres à lire, des maisons à bâtir? Est-ce que ce n’est pas bon, aussi, le soleil sur la peau, le vin frais