Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens
Le pied-dans-la-porte
Le pied-dans-la-porte connaît deux variantes: la classique et celle avec demande implicite.
Le pied-dans-la-porte classique consiste à obtenir de l'individu-cible un comportement préparatoire non-problématique et peu (ou pas coûteux). Ceci se fait dans une situation où le sujet peut (ou croit pouvoir) exercer son libre-arbitre, ce qui, on l'a vu plus haut, conduit à un engagement plus fort. Une fois ce comportement peu coûteux et non-problématique créé, le manipulateur va faire une deuxième requête, se traduisant en actes plus coûteux (voire problématique) pour le sujet. Le manipulateur fera une demande qui est évidemment cohérente avec la première, qui n'a l'air, en fait que d'une gradation dans l'intensité de l'acte par rapport à la première demande. En effet, le sujet étant engagé dans ses actes, de manière relativement forte, puisqu'il a pris l'engagement en toute liberté (?), il sera enclin à démontrer l'effet de gel et à justifier sa première décision en acceptant la second requête plus coûteuse. On assiste en fait à une espèce de persévérance, qui est le moteur de cette technique, dans la décision (le même type que celle dont faisait preuve Mme. O. au cinéma: l'achat du billet, ou la décision d'aller voir le film ennuyeux est moins coûteux que de rester jusqu'au bout de la séance, mais elle reste quand même, rationalisant ainsi son comportement-une espèce d'auto-pied-dans-la-porte?).
Les auteurs étayent leur propos des résultats de nombreuses recherches faites sur le phénomène, qui attestent de son efficacité. Un bon exemple est celui de la collecte de fonds: à Toronto, en 1970, une expérience consista en la récolte de fonds pour une bonne cause. Dans la condition de contrôle, les sujets étaient sollicités directement. 46% seulement des gens donnaient, pour un montant moyen de 58 cents. Le pied-dans-la-porte prit ici la forme de la visite, le jour précédent, du récolteur de fonds, qui distribuait gratuitement