« Je fais pleinement mien le constat de Günther Anders : nous sommes entrés sans retour possible dans une ère dont l’horizon est l’autodestruction de l’humanité. (…) Les « gestionnaires du risque » et autres économistes de l’assurance s’effarouchent qu’on puisse mêler dans une sorte de grand cocktail catastrophiste la pollution de l’environnement la dégradation du climat, l’épuisement des ressources fossiles, les risques liés aux technologies avancées, les inégalités croissantes, la tiers-mondialisation de la planète, le terrorisme, la guerre, les armes de destruction massive, et j’en passe. Chaque problème doit être selon eux isolé, décortiqué, analysé pour lui-même, en pesant les coûts et les avantages. Ils ont les yeux tellement rivés sur leurs microscopes qu’ils ne sentent pas que le plancher s’effondre sous leurs pieds. Il faut dire haut et fort qu’une « rationalité » de spécialiste ou d’experts dont le sérieux se mesure à l’épaisseur de leurs œillères n’est pas différente de l’absence de pensée ou de la courte vue dont parle Arendt à propos d’Eichmann. Le premier « risque », tous le disent, est pour une nation ou un peuple de ne pas être « dans la course » que représente la compétition mondiale, comme si l’histoire de l’humanité se réduisait dorénavant à un grand prix de formule 1. Peu importe qu’au bout de la piste on trouve le grand saut dans l’abîme, c’est à qui s’y précipitera le premier. Le nouvel impératif catégorique est la « performance », nous assure un acteur important du capitalisme sans frontière. Carlos Ghosn (Mars 2005) : « Dans ce monde où les frontières s’estompent, un impératif émerge avec toujours plus de force, identique en tout point de la planète : la performance. C’est une langue universelle. Qualité, coûts, délais : elle se parle de la même manière au Japon, en Europe ou aux Etats-Unis. La performance est un devoir ». Cette singerie du discours de la philosophie morale donne la nausée. Pas un moment, ce grand constructeur automobile ne