Peut-on dire à chacun sa vérité ?
Il n’est pas rare que lorsque les points de vue s’opposent, on arrête la conversation en énonçant : à chacun sa vérité. Cette expression qui donne son titre à une pièce de Pirandello signifie que le point de vue de chacun est absolument vrai même s’il s’oppose à celui de l’autre. Or, une telle formule semble faire perdre tout sens à l’idée de vérité qui implique qu’il n’y ait qu’une vérité pour chaque chose. D’un autre côté n’est-ce pas le sens de la vérité d’être relative et non absolue. On peut donc se demander si lorsqu’on dit « à chacun sa vérité », le mot de vérité garde un sens et si oui lequel. On peut effectivement soutenir comme le sophiste Protagoras selon le témoignage de Platon dans le Théétète que la vérité réside précisément dans le fait que l’homme au sens de l’individu est ce à partir de quoi il y a vérité. On appelle vrai ce qui nous paraît être et qui donc est pour nous. On appelle faux le contraire. De sorte que lorsque nous changeons d’opinion, ce qui paraît et ce qui est devient différent.
Le terme de vérité désigne donc simplement la relation entre la croyance ou l’opinion de l’individu et la réalité. En disant que quelque chose est vraie, je ne puis parler en général puisque je suis un individu. Je ne puis exprimer que mon point de vue. Et l’expression de l’autre est la sienne.
Et qu’on puisse modifier le point de vue de l’autre s’explique par analogie avec la médecine. Un médecin rend quelqu’un en meilleur santé. Un sophiste dira Protagoras permettra à quelqu’un d’avoir une meilleure opinion. Le premier use de médicament, le second de la parole. Tel est le sens et le but de tout débat.
Néanmoins, ne s’introduit-il pas ainsi un critère supérieur au point de vue individuel si certaines opinions sont meilleures que d’autres ? Ne faut-il pas que ce soit parce qu’elles sont vraies ? En effet, il est possible de distinguer entre l’être et l’apparence. Aristote dans le chapitre 1 du livre K sa