Peut-on juger objectivement la valeur d'une culture?
Cette question pose d’emblée deux présupposés. Premièrement, un jugement peut être objectif. Deuxièmement, les cultures, au sens de l’ensemble des pratiques d’un groupe humain, possèdent une valeur : on peut leur affecter une connotation qualitative : importance, moralité… Supposé qu’on puisse assigner une valeur aux différentes cultures, le jugement de cette valeur peut-il atteindre l’objectivité et selon quels critères ?
Non seulement on peut juger objectivement de la valeur d’une culture, mais encore nous y procédons fréquemment. Lorsque nous estimons la culture grecque «importante», «fondatrice», nous effectuons un tel jugement, et celui-ci s’appuie sur des raisons objectives, au double sens du mot : les objets hérités des Grecs constituent des preuves de l’importance de cette culture. On peut même être plus précis et montrer que certaines cultures prolongent la vie des individus, leur donnent plus de bonheur, produisent des oeuvres scientifiques ou littéraires de plus grande portée. A vrai dire, il n’y a rien à rechercher de plus : si les productions objectives de cette culture ont été préservées des ravages du temps, des guerres et des cataclysmes, c’est bien parce que, depuis lors, une majorité d’individus s’accorda à les préserver. L’itinéraire incroyable des traités d’Aristote prouve que de très nombreux individus, de cultures différentes, estimèrent, sans se consulter les uns les autres que ces textes possédaient une très grande valeur. Comment mieux dire qu’un tel jugement est «objectif» ? Inversement, des foules de cultures de moins grandes valeurs ont sans doute existé, qui ne subsistent plus. Et précisément parce qu’elle ne subsistent plus, parce que nous ne pouvons pas les connaître, nous pouvons aussi les juger d’une importance ou d’une perfection moindre que la culture grecque.
Le problème évident de cette position tient au fait qu’elle couronne