Peut-on ne pas être soi-même ?
Etre soi même, c’est l’illusion d’une transparence immédiate à soi-même. C’est l’affirmation d’une conscience qui accompagnerait les actes du Moi et qui lui donnerait le sentiment d’être présent à lui-même. Au contraire, ne pas être soi-même impliquerait soit une perte de reconnaissance identitaire du Moi, soit une mise à distance du Moi qui s’éprouverait comme un objet neutre. Problème : le défi pour un Moi est-il d’être lui-même, ou de ne pas être lui-même ? Est-ce une conquête pour le Moi que d’affirmer sa sincérité dans son rapport avec lui-même ou au contraire, doit-il craindre de se percevoir comme occupé par un autre que lui-même. En outre, le Moi est-il simple ou au contraire peut-il apparaître comme un être multiple, composite ? Poser que je puis n’être pas moi-même, c’est poser l’existence d’un substrat susceptible d’être isolé qui serait constitutif de mon être.
Etre soi-même, c’est s’appréhender en une transparence susceptible de m’offrir la reconnaissance effective du Moi. Le Moi est en mesure de se croire libre car la conscience me représente structurellement comme l’auteur de mes propres décisions. Le Moi est présent à lui-même comme auteur exclusif de ses actes. Or, le Moi n’est qu’un élément dans une construction qui lui échappe. En effet, le Moi est parcouru par des flux qui s’imposent à lui au point de disposer de lui-même. Est-ce le Moi qui hait ou au contraire, la haine s’empare-t-elle de son être ? L’irascibilité est une explosion qui confirme l’étymologie du mot, « ira » en latin signifiant « sortir du sillon commun ». Le Moi est embarqué par sa colère au point de se découvrir comme étranger à lui-même. Telle apparaitra rétrospectivement le Moi face à lui-même qui dira « ce n’était pas moi, cela ne me ressemble pas ». Le Moi se pense alors comme étranger à lui-même dans l’irruption des affects. Il y a du monde qui se presse autour du Moi et qui dénature aux yeux du Moi ce que le Moi