Peut-on parler d'une doctrine libérale
« Il n’est pas correct de déduire des principes de l’économie que l’intérêt personnel éclairé œuvre toujours à l’intérêt public », écrit J.M Keynes en 1926 dans La fin du laisser-faire [p. 169]. « Croire qu’il existe un quelconque mécanisme automatique d’ajustement fonctionnant sans heurts qui préserve l’équilibre à la condition de se fier aux méthodes du laisser faire constitue une illusion doctrinaire qui ne tient pas compte des leçons de l’histoire tout en n’ayant aucun support théorique solide ». Cette critique sévère de l’économie orthodoxe s’inscrit dans une courageuse et trop rare tentative de redéfinition du libéralisme économique au Xxe siècle. Keynes est un libéral, mais il n’est pas doctrinaire pour autant. Il se distingue ici du courant néo-classique du début du siècle et renvoie aux origines du libéralisme. C'est-à-dire au libéralisme dit « classique », où le libéralisme était alors pensé comme un « tout », à la fois politique, économique et moral. Keynes en ce début de siècle écrit dans un contexte où le libéralisme économique, nous y reviendrons plus tard, est parvenu à éclipser les autres champs du libéralisme, le marché devenant une fin en soi.
La notion de libéralisme est complexe et épineuse, et nécessite donc un travail de définition rigoureux. La raison en est simple, la notion de libéralisme dans le sens commun est mal définie. En économie, elle est associée au capitalisme, alors que ce n’est que le système économique du libéralisme. Ce rapprochement est une erreur. Au niveau politique, un libéral en France serait placé sur la droite de l’échiquier politique, alors qu’un libéral aux Etats-Unis sera opposé aux conservateurs.
Si l’on dépasse le sens commun, on réalise que dans la langue courante, le libéralisme fait allusion à une doctrine qui voudrait que l'Etat soit réduit au minimum ou qui prône que l'Etat reste en dehors de l'économie ; c'est l'usage populaire du