Peut on penser sans prejuger
En effet, si préjuger c’est juger avant d’avoir examiné, il semble évident que qui pense, c’est-à-dire réfléchit ou examine avant de juger, doit le faire sans préjuger.
Pourtant, il est non moins clair qu’il n’est pas possible de tout examiner, de réfléchir à tout, travail infini, pour pouvoir juger, de sorte qu’il ne serait pas possible de penser sans préjuger.
Dès lors, on peut se demander s’il est possible de penser sans préjuger et sinon comment penser à partir de préjuger. Préjuger, c’est juger sans examen. C’est donc répéter ce qu’on a appris enfant. C’est aussi répéter ce qu’on dit, parce que tout le monde le répète. Une expression veut qu’on commence un tel propos en disant, « comme on dit… ». Bref, il y a une incompatibilité entre préjuger et penser en ce sens que penser suppose au contraire d’examiner ce qu’on prétend affirmer. Or, un examen peut être fait partiellement. Dès lors, penser repose sur le fait de préjuger, ce qui contamine la pensée et l’annihile.
C’est pourquoi on peut tenter de déraciner tous les préjugés. Pour ce faire, on peut à l’instar de Descartes dans le Discours de la méthode (1637), user du doute méthodique. Il consiste à considérer comme faux tout ce qui est simplement douteux afin de chercher s’il y a au moins un principe vrai qui guide la pensée. Le doute méthodique permet de tout examiner sans examiner tout en détail. Il suffit de rejeter en général ce qui paraît douteux. Bref, le doute méthodique permet de découvrir si oui ou non on peut se débarrasser des préjugés, sans préjuger qu’il faut les rejeter.
Aussi Descartes est-il amené à rejeter, parce que douteux, le témoignage des sens, l’exercice de la raison voire l’existence des choses hors de nous. Un tel doute ne laisse rien hors de lui et comme il n’affirme rien de façon définitive, son exercice consiste à