Peut on prétendre se connaitre soi même
Ce sujet suppose que l’on distingue « savoir que l’on est » (= la conscience de soi) et « savoir ce qu’on est » (= la connaissance de soi). L’inscription votive du temple de Delphes, gnwqi seauton (Connais-toi toi-même), semble exhorter le sujet à la sagesse et présenter la connaissance de soi comme un idéal de sagesse que tout homme devrait s’efforcer de réaliser au cours de sa vie.
Mais demander au sujet de se connaître, de désirer la sagesse (oV jilei to sojon, philein to sophon) n’est-ce pas aussi affirmer que ce sujet n’est pas actuellement sage, qu’il ne se connaît pas et que cette connaissance de soi par soi ne va justement pas de soi, qu’elle est problématique ?
Si toute connaissance est rapport à un objet et si le rapport à soi s’effectue dans une connaissance, alors, dans cet effort de retour sur soi, le sujet ne pourrait se saisir qu’en se constituant en objet, c’est-à-dire en objectivant son être.
En cela la connaissance de soi se distingue de la conscience de soi. Elle n’est pas simple présence à soi, mais instauration d’un rapport, d’une distance, entre un sujet connaissant et un objet connu.
Affirmer la possibilité d’une connaissance de soi par soi pour le sujet, c’est vouloir fonder la grandeur de la personne dans une autonomie absolue. Supposer une identité possible entre le sujet connaissant et l’objet connu, n’est-ce pas vouloir faire de l’homme une sorte de dieu ? Que valent en effet cette maîtrise et cette possession de soi pour un sujet humain, pour un homme purement homme ?
La connaissance de soi comme idéal à atteindre est-elle la preuve de l’imperfection radicale d’un sujet historique, pauvre existant plongé dans le temps et dominé par un être qui le dépasse, ou bien est-elle au contraire la marque de son humanité dans laquelle s’enracine sa dignité ? Nous sommes tentés de répondre par l’affirmative à une telle question. Les performances croissantes de la science renforcent cette tentation et