Peut-on se satisfaire du nécessaire ?
PEUT-ON SE SATISFAIRE DU NÉCESSAIRE ?
Peut-on se satisfaire du nécessaire ? Le mot “nécessaire” est ambigu, déjà paradoxal. Au sens strict il désigne ce qui est inévitable, fatal, ce qui ne peut pas ne pas être : il est nécessaire, par exemple, que les êtres vivants meurent. Va-t-on s’en satisfaire ? Il le faut bien : on s’y résigne donc. Est-il satisfaisant que les choses soient comme elles sont ? La réponse semble aller de soi, c’est celle que l’on fait à l’enfant qui voudrait rêver sa vie : la terre est ronde, nous sommes des êtres vivants, tout cela va de soi. Ces évidences ne posent pas vraiment problème, elle ne réclament pas notre assentiment. Il n’est pas vraiment satisfaisant que deux et deux fassent quatre : c’est un fait avéré, indépendant de nos désirs et de nos besoins, on doit l’accepter. Mais le mot nécessaire, dans un sens plus courant, désigne ce dont on ne peut pas se passer, ce qui est requis pour obtenir quelque chose. Ainsi le nécessaire de survie est indispensable pour ne pas mourir. Si nous conservons au mot nécessaire ce sens, il la question du sujet est incomplète, et il nous faut chercher ce qu’elle présuppose : à quoi donc est nécessaire ce dont on peut se satisfaire ? Pourra-t-on se satisfaire de ce qui est seulement nécessaire à notre vie, et se contenter d’avoir des organes qui fonctionnent, ou pourra-t-on réclamer disposer du nécessaire pour bien vivre : non seulement être vivant, mais éprouver du bien-être ? Le paradoxe est dans cette ambivalence, avec pour enjeu la liberté de se résigner ou de vouloir toujours plus. S’il est nécessaire d’augmenter ses capacités d’agir, pour jouir davantage et mieux profiter des saveurs de la vie, ce “nécessaire” réclamera des progrès incessants, on sera toujours en quête de nouveautés, et ne pouvant pas s’arrêter de vouloir plus et mieux, on ne sera jamais totalement satisfait ! Peut-on borner ses désirs quand l’essence du désir semble de poursuivre le