Peut-on s'en tenir au présent?
« Carpe diem »: cette sentence latine est le dernier vers d'une ode d'Horace, qui dans dans sa totalité traduite était: « cueille le jour, en te fiant le moins possible au lendemain. ». Ce discours du « carpe diem », où le sage, détaché du passé, la racine de tout remord et du futur, source de vaines espérances, sait vivre au présent, a traversé les âges. Ronsard, Baudelaire, Quesneau, toutes les époques connaissent cette volonté de s'en tenir simplement au présent, sans les remords du passé et les angoisses du futur.
Peut-on pourtant s'en tenir uniquement au présent? Etymologiquement parlant, cette phrase semble déjà paradoxale: se tenir relève d'une volonté d'immobilisme, d'arrêt, de constance vis-à-vis de soi-même et des autres: celui qui « sait à quoi s'en tenir » n'est-il pas celui qui a une opinion arrêtée sur un sujet et qui n'est pas prêt d'en changer? La conception habituelle que l'on se fait du temps qui passe ne permet que difficilement d'imaginer pouvoir retenir, arrêter, laisser en l'état le temps. On se figure en effet souvent le temps comme une jonction de deux demi droites, le passé et le futur, où leur point de rencontre serait le présent. Cependant cette conception ne permet pas de définir précisément le présent et le temps: il est vu comme un mécanisme nécessaire et donc impossible à arrêter, à l'instar d'un fleuve qui coule, image courante et acceptée par l'opinion. Quelle dimension peut-on donner au présent? Quelle peut être sa durée? Les philosophies de l'instant présent qui découlent ou ressemblent à l'épicurisme sont pourtant suffisamment nombreuses et structurées pour nous pousser à nous demander s'il est humainement possible d'exister dans le présent ou, au contraire si cette volonté ne relève que de la peur d'une vieillesse inéluctable et par extension à la mort, inconnue et terrifiante?
Si dans un premier temps on peut penser que les philosophies de l'instant présent sont un remède aux angoisses