Peut-on rire de tout ?
Mais la vision desprogienne de l'humour peut-elle pour autant se limiter à ce qu'il a dit dans son réquisitoire contre Le Pen ? C'est plus compliqué que cela. Des entretiens avec l'humoriste permettent de se faire une meilleure idée de ce qu'il avait en tête. Il y a par exemple, dans un entretien à Télérama daté du 24 novembre 1982 (2), paru deux mois après le réquisitoire contre Le Pen, cette explication :«Je crois qu'on a le droit de rire de tout. Mais rire avec tout le monde, ça, peut-être pas. […] Le rire est un exutoire et je ne comprends pas qu'on dise qu'il ne faut pas rire de ce qui fait mal. Ça fait moins mal quand on en a ri. A la fin de l'été, quelqu'un que j'aimais énormément est mort d'un cancer. Mais le cancer, comme Yves Montand, c'est des choses dont il faut rire. Moi quand je parle de cancer, je parle de mes proches, pas des proches …afficher plus de contenu…
Il y a une expression qui dit : "On ne tire pas sur une ambulance". J'ajouterais : "Sauf s'il y a Patrick Sabatier dedans !"… Oui, on ne peut pas rire aux dépens de n'importe qui. On peut rire des forts mais pas des faibles. Par exemple, on n'a pas compris mes blagues à propos des Arabes, et je suis allé m'en expliquer à l'émission Mosaïque.»Les «signaux d’ironie»Que retenir de cette interview ? D'abord, que le pauvre Pierre Desproges croit qu'il sera encore possible de passer 70 ans au goulag, alors que l'URSS n'a plus que cinq années à vivre (et lui, deux). Ensuite, qu'on ne comprend pas bien à quoi il fait référence à la fin – nous avons joint l'INA, qui n'a pas retrouvé trace de la présence de Desproges dans un numéro de l'émission Mosaïque, qui était consacrée aux apports de l'immigration, ce qui ne veut pas dire non plus qu'il n'y a jamais participé et qu'il a raconté n'importe quoi (3). Mais surtout, ceci : Pierre Desproges n'ignore pas, loin