Philo
Mon rêve familier (Paul Verlaine 1844 - 1896)
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,
Ni tout à fait une autre, qui m'aime et me comprend. Car elle me comprend et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seul, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila. Son regard est pareil au regard des statues,
Et pour sa voix, lointaine, si calme et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Le Pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Colloque sentimental
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué