L'homme, dit-on, est un animal doué de raison. Mais en fait-il preuve réellement ? Ainsi, tous les hommes désirent être heureux : mais le sont-ils réellement ? Se donnent-ils réellement les moyens de l'être ? Plus généralement, se conduisent-ils raisonnablement, ou bien plus communément comme des enfants (Hobbes) ? Pour la plupart, ont-ils d'ailleurs seulement jamais songé à se demander ce qu'est le bien ? Ils ne voient le monde et ne se voient eux-mêmes qu'à force d'imagination, "cette superbe puissance ennemie de la raison" (Pascal). Etre philosophe, c'est au contraire se poser ces questions, tâcher d'y répondre en faisant usage de sa raison afin d'agir, autant que cela est possible, avec sagesse. Etre philosophe, c'est donc comprendre que le bien n'est nul bien en particulier, et surtout pas un bien extérieur à soi (l'argent, le pouvoir...) : le bien est la sagesse même - et la sagesse (sophia en grec) est donc le savoir méritant de dominer tous les autres (Aristote).
Alain s'inscrit dans une perspective dualiste héritée de Descartes. Pour lui, la conscience est cette force qui nous permet de nous opposer aux impulsions du corps, et c'est d'ailleurs dans la mesure où il possède ce pouvoir indépendant du corps que l'homme peut être dit habité par une âme, un esprit. Ainsi, la conscience n'est pas seulement la capacité de nous relier à nous-mêmes et aux choses, comme le veut la définition traditionnelle; car nous n'appréhendons véritablement son existence que lorsqu'elle se manifeste comme opposition, doute résistance.
Alain estime, contrairement à l'opinion commune, que la conscience se perd lorsque l'homme cède à son corps. Corps et conscience ne peuvent s'affirmer qu'au détriment l'un de l'autre. Si le corps triomphe, alors l'âme disparaît; si l'âme domine, le corps doit alors faire taire ses exigences et passer au second plan.*
L'âme est action et non pas être. Elle se définit en effet à travers un acte (l'acte volontaire) qui est tout ce qu'elle est.