Philo
Introduction
La vie humaine laisse peu de place à la solitude : nous sommes sans cesse accaparés par les préoccupations qu'entraînent les obligations sociales et la présence des autres, et de ce fait constamment détournés de nous-mêmes. La solitude, dans la mesure où nulle parole et nul regard extérieur ne viennent y requérir notre attention, serait alors ce moment privilégié où, dans le recueillement, nous pourrions enfin nous retrouver. Certes, on peut fort bien être seul et penser à tout autre chose qu'à soi ; il n'en reste pas moins que la solitude, en nous isolant du bruit et de la fureur du monde, facilite par là même le retour à soi – retour dont elle serait, pour ainsi dire, la condition nécessaire, quoique non suffisante. « Retourne à toi-même, car c'est dans l'homme intérieur qu'habite la vérité », affirmait saint Augustin : l'absence d'autrui est un moment nécessaire à la connaissance de soi. Je suis en effet, pour reprendre une autre formulation augustinienne, tout à la fois « le plus proche et le plus éloigné de moi-même » : seul à savoir qui je suis, j'ai pourtant à le découvrir, précisément dans le recueillement et l'introspection.
Cependant, autre chose est de dire que nous n'avons peut-être pas besoin d'autrui pour parvenir à la connaissance de soi, autre chose de soutenir que la solitude est nécessaire à la prise de conscience de soi : car enfin, avoir conscience de sa propre existence, exister et savoir que l'on existe, ce n'est pas la même chose que savoir qui l'on est, c'est-à-dire se connaître soi-même. Peut-être alors est-ce dans l'absence des autres qu'on parvient à la connaissance de soi mais, pour autant, n'avons-nous pas besoin d'autrui pour avoir conscience de nous-mêmes ? En d'autres termes, puis-je avoir conscience de ma propre existence dans la solitude, voire le solipsisme ?
Telle est, en tout cas, la position de Descartes : si, dans ma quête d'une vérité