Philosophie politique
Est-il permis de parler d’une philosophie ou de philosophies juive(s)1 ?
Il est désormais de bon ton de s’interroger sur l’existence même d’une philosophie juive. D’aucuns trouvent qu’une telle expression est un oxymore, d’autres, au contraire, jugent que l’on peut légitimement parler d’une philosophie juive (au même titre qu’une philosophie musulmane ou chrétienne), à condition d’intégrer à cette définition la spécificité des thèmes traités. La pensée grecque, expression paradigmatique de toute spéculation philosophique, est née et s’est développée dans un milieu radicalement différent du monothéisme. Le paganisme ne part pas des mêmes présupposés que le monothéisme hébraïque, chrétien ou musulman. La même règle s’applique donc aux trois grandes religions abrahamiques. Le problème le plus important qui se pose aux philosophies nées dans le giron monothéiste est, assurément, le statut de la révélation divine : si Dieu, somme absolue de toutes les perfections, a pris soin de se révéler à nous, à quoi bon tenter de percer son mystère par la spéculation rationnelle qui avance pas à pas et part du connu pour accéder à l’inconnu ? Et si, comme nous le montre le cas du judaïsme, Dieu a assorti sa révélation d’une législation complète (n’oublions pas que pour la Bible hébraïque, la théophanie a pour but exclusif la remise des Tables de la Torah ou de l’Alliance), qu’il
1. Nous ne pouvons nous étendre plus sur la question ; c’est pourquoi nous renvoyons à nos deux ouvrages plus complets : La philosophie juive (Paris, Armand Colin, 2004, p. 9-24) ; et aussi à notre ouvrage écrit en allemand, Geschichte der jüdischen Philosophie, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 2003, p. 9-23.
Petite histoire de la philosophie juive
importe de suivre à la lettre, à quoi bon se livrer à des spéculations aussi injustifiées qu’inutiles ? Les philosophes, juifs en l’occurrence, ont tenté d’obvier à cette difficulté de la manière suivante : ils ont d’abord