Philosophie politique
Publication préparée par les économistes de l'UCL
ÉCONOMIQUES
Novembre 2005 • Numéro 36
De l’État providence à l’État social actif : quelles mutations sous-jacentes ?
La notion d’État social actif sous-tend les réorientations récentes de la politique sociale belge et européenne. Elle est fille de la crise de l’État providence et du défi de la globalisation financière.
Quelle crise ? Quel défi ?
Quel enjeu ?
L’Etat social actif (ESA) est entré dans le vocabulaire européen au sommet de Lisbonne, par un itinéraire belge, tracé par Frank Vandenbroucke, alors ministre des affaires sociales et des pensions, qui emboîtait lui-même les pas de Tony Blair et Anthony Giddens 1. Si le concept d’ESA s’est depuis lors estompé, n’occupant plus l’avant-scène politique et médiatique, le projet qu’il véhicule continue de sous-tendre un grand nombre de mesures visant la réorganisation de la protection sociale et du marché du travail. Evaluer ses enjeux est donc un exercice pleinement d’actualité.
Isabelle Cassiers *
Cette évaluation requiert une prise de recul. L’émergence de l’ESA se situe dans un contexte historique particulier : celui de l’essoufflement du mode de régulation qui prévalait depuis la deuxième guerre mondiale. Si l’ESA est proposé comme successeur de l’État providence, c’est que ce dernier est soumis, depuis près de trente ans, à une logique de crise : crise de son financement, de sa légitimité et peut-être même de sa congruence avec l’ensemble des mécanismes de régulation socio-économiques.
Les années 80 et 90 ont été marquées par une grande avancée du libéralisme économique qui a jeté le doute sur le bien-fondé des politiques keynésiennes et des principes de l’économie mixte. A la fin des années 90, quand les formations politiques de centre-gauche retrouvèrent le chemin du pouvoir dans la plupart des pays européens, la modération fut de mise en raison du contexte tant national
(persistance du chômage,