PHILOSOPHIE
2 ) Pourquoi la nécessité du langage en vue de la communication implique t-elle que nous n'ayons qu'un point de vue déformé sur nous-mêmes ?
Nous supposons que notre conscience nous découvre notre intimité. Parce que nous avons une conscience, nous aurions une profondeur que les animaux n’ont pas. Pour Nietzsche, il n’en est rien. Cette profondeur n’est qu’un effet de surface ; la conscience est à comprendre comme une adaptation biologique en vue de la communication.
Je me trouve en droit de supposer que la conscience ne s’est développée que sous la pression des besoins de communiquer, qu’elle n’était nécessaire et utile au début que dans les rapports d’homme à homme (notamment pour le commandement), et qu’elle ne s’est développée que dans la mesure de cette utilité. La conscience n’est qu’un réseau de communications entre hommes ; c’est en cette seule qualité qu’elle a été forcée de se développer : l’homme qui vivait solitaire, en bête de proie aurait pu s’en passer. Si nos actions, pensées, sentiments et mouvements parviennent – du moins en partie – à la surface de notre conscience, c’est le résultat d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, il avait besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible, et pour tout cela, en premier lieu, il fallait qu’il eût une « conscience », qu’il « sût » lui-même ce qui lui manquait, qu’il « sût » ce qu’il sentait, qu’il « sût » ce qu’il pensait. Car comme toute créature vivante l’homme, je le répète, pense constamment, mais il l’ignore : la pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense ; car il n’y a que cette pensée qui s’exprime en paroles, c’est-à-dire en signes d’échanges, ce qui