Phèdre dissertation
[ABSTRACT]«Ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente» - cette antinomie proposée par Jean Racine dans la préface de
Phèdre
(1677) soulève une question apparemment claire, mais dès que l’on essaye d’yrépondre, les difficultés surgissent: comment pourrait-on établir la frontière entre la culpabilité etl'innocence des personnages tragiques sans tomber dans le piège du subjectivisme? A priori, répondre àcette question ambiguë demande un acte d’interprétation, ce qui implique une multituded’interprétations possibles et également valides.La tragédie, au XVIIème siècle, s'appuie sur les théories d'Aristote, mais à cette époque-là la mentalitécommence à changer. D'ailleurs, on a involontairement tendance à critiquer les personnages à travers la perspective moderne du XXIème siècle. C'est pourquoi cet essai cherche à analyser Phèdre à l'aide detrois modèles: aristotélicien (selon les critères majeurs à la constitution des personnages: la qualité, laconvenance, la ressemblance, la constance et la faute fatale); classique (le tragique dans la visionracinienne, pascalienne et cartésienne) et moderne (réinterprétation du tragique). Il n'y a pas seulementPhèdre elle-même qui n'est «ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente», mais tous les personnagesdans la tragédie. Dans Phèdre les personnages deviennent à tour de rôle bourreaux et victimes, punisseurs et punis, toujours au gré de l'ironie du sort. Quand la ligne de démarcation entre bien et malest si fine, la duplicité du caractère de l'être humain rend beaucoup plus difficile l'accusation/disculpation des personnages. Chez Pascal, la condition humaine est tellement faible, mortelle etmisérable, que Phèdre, bien que lucide grâce à la Raison, ne peut rien faire contre ses passions. La pureincarnation de l'image royale, elle devient une reine sans divertissement, une femme pleine de misères,d'autant plus qu'elle n'arrive pas à se protéger contre