Phèdre
Importune, peux−tu souhaiter qu'on me voie ?
De quoi viens−tu flatter mon esprit désolé ?
Cache−moi bien plutôt ; je n'ai que trop parlé.
Mes fureurs au dehors ont osé se répandre :
J'ai dit ce que jamais on ne devait entendre.
Ciel ! comme il m'écoutait ! Par combien de détours
L'insensible a longtemps éludé mes discours !
Comme il ne respirait qu'une retraite prompte !
Et combien sa rougeur a redoublé ma honte !
Pourquoi détournais−tu mon funeste dessein ?
Hélas ! quand son épée allait chercher mon sein,
A−t−il pâli pour moi ? me l'a−t−il arrachée ?
Il suffit que ma main l'ait une fois touchée,
Je l'ai rendue horrible à ses yeux inhumains,
Et ce fer malheureux profanerait ses mains.
Oenone
Ainsi, dans vos malheurs, ne songeant qu'à vous plaindre,
Vous nourrissez un feu qu'il vous faudrait éteindre.
Ne vaudrait−il pas mieux, digne sang de Minos,
Dans de plus nobles soins chercher votre repos,
Contre un ingrat qui plaît recourir à la fuite,
Régner, et de l'Etat embrasser la conduite ?Phèdre
Moi, régner ? Moi, ranger un Etat sous ma loi,
Quand ma faible raison ne règne plus sur moi ?
Lorsque j'ai de mes sens abandonné l'empire ?
Quand sous un joug honteux à peine je respire ?
Quand je me meurs ?
Oenone
Fuyez.
Phèdre
Je ne le puis quitter.
Oenone
Vous l'osâtes bannir, vous n'osez l'éviter ?
Phèdre
Il n'est plus temps. Il sait mes ardeurs insensées.
De l'austère pudeur les bornes sont passées.
J'ai déclaré ma honte aux yeux de mon vainqueur,
Et l'espoir malgré moi s'est glissé dans mon coeur.
Toi−même rappelant ma force défaillante,
Et mon âme déjà sur mes lèvres errante,
Par tes conseils flatteurs tu m'as su ranimer ;
Tu m'as fait entrevoir que je pouvais