Pierre manent : la philosophie politique
Le mot capital est le mot influence. Depuis que les hommes vivent en sociétés, celles-ci ne tiennent ensemble que par l'influence, par l'action qu'ils exercent les uns sur les autres. Plus cette influence, cette action est vive et diverse, plus la société est civilisée, plus l'homme développe ses facultés. Or la démocratie, parce qu'elle veut se construire à partir d'individus égaux, c'est-à-dire qui ne se commandent pas, et même ne s'influencent pas les uns les autres - toute influence tend naturellement à devenir commandement -, sépare les hommes les unes des autres, les pose les uns à côté des autres, sans lien commun. Elle tend à "dissoudre" la société.
Avec Tocqueville le libéralisme ne repose plus sur le développement nécessaire et harmonieux de l'égalité et de la liberté, il aiguise désormais son tranchant dans la lutte du goût de la liberté, non contre l'égalité certes, mais contre la passion de l'égalité, lutte à l'issue incertaine, lutte inégale puisque la liberté appartient à l'art de la démocratie tandis que l'égalité appartient à sa nature.
La distinction entre la nature et l'art de la démocratie se traduit empiriquement par la distinction entre la démocratie comme social égal et la démocratie comme institutions politiques libres Le spectacle de la démocratie conduit Tocqueville à reconsidérer le rapport entre la nature et l'art que suppose le