Pitié pour le ma
Le papa de Mutien et de Belo est mort dans les affrontements des années '40 à '45. Tout ce qui reste de lui est ce magnifique percheron qui répond au fier nom de Gaillard.
Lorsque l'armée allemande se l'approprie, c'est la goutte qui fait déborder le vase et Mutien décide de le récupérer coûte que coûte. Belo ne pourra s'empêcher d'accompagner le héros de la fratrie.
Une fois la troupe allemande rejointe, une étrange proximité s'installe entre les enfants et les fuyards. Il s'agira même d'une véritable complicité entre Mutien, Belo et Gunther qui est un vétéran de la Première Guerre.
Conscient des atrocités commises par son peuple, Gunther refuse par pudeur de quémander le pardon pour la nation allemande mais réclamera Pitié pour le mal ! Car comme il le dit si justement, la pitié appartient toujours au vainqueur.
Un roman court dont la brièveté évite les pièges du mélodrame. Une intensité rare dans le traitement de l'émotion. Une approche intéressante, posée et riche sur des événements trop souvent ressassés.
L'auteur prend le parti de la neutralité. La souffrance de chacun est restituée avec une extrême justesse et une retenue délicate.
Le récit se construit autour du courrier que Belo retrouve quelques années plus tard lorsque Mutien disparaît en mer. L'histoire se justifie d'elle-même et prend de cette manière des accents de vérité bouleversants.
Tirtiaux ne parle en réalité ni de la Seconde Guerre Mondiale, ni de l'Allemagne revencharde, ni de la Belgique martyrisée, mais du mal. Ce mal dont l'homme se rend coupable sans vraiment s'en rendre compte et dont il ne prend conscience que par la suite. Gunther voit s'étaler sous ses yeux les actes commis par son peuple et refuse de s'y soustraire. Il refuse pourtant tout calcul arithmétique relatif à la douleur : quel que soit son degré de monstruosité, l'homme est égal face à cette terrible détresse. Loin des clichés