L'ATHÉNIEN Arrêtons donc là notre discussion sur ce point. Passons à celui qui, tout en croyant qu'il y a des dieux, est persuadé qu'ils ne s'occupent pas des affaires humaines et instruisons-le. Excellent homme, lui dirons-nous, si tu crois qu'il y a des dieux, c'est sans cloute qu'une sorte d'affinité entre leur nature et la tienne te porte à les honorer et à croire à leur existence. Mais en voyant prospérer des particuliers et des hommes publics méchants et injustes, qui en réalité ne sont pas heureux, mais que l'on croit, à tort, au comble du bonheur, tu te jettes dans l'impiété, parce que les poètes et toutes sortes de gens les vantent mal à propos dans leurs discours. Il se peut aussi qu'ayant vu des impies parvenir au terme de la vieillesse ne laissant derrière eux les enfants de leurs enfants élevés aux plus grands honneurs, tu te sentes à présent troublé de tous ces désordres, ou peut-être encore parce que tu auras appris par ouï dire, ou que le hasard t'aura fait voir de tes propres yeux un grand nombre d'actions impies et terribles qui ont servi de degrés à certains hommes pour s'élever d'une basse condition à la tyrannie et aux plus hautes dignités. C'est pour toutes ces raisons, je le vois, que ne voulant pas, à cause de ta parenté avec les dieux, les accuser d'être les auteurs de ces désordres, mais poussé par de faux raisonnements et ne pouvant t'en prendre aux dieux, tu en es venu maintenant à ce point de croire qu'ils existent, mais qu'ils dédaignent les affaires humaines et ne s'y intéressent pas. Aussi pour que ton opinion présente ne vienne pas augmenter ta disposition à l'impiété, nous allons, si nous en sommes capables, essayer d'en conjurer pour ainsi dire les approches, en rattachant la discussion qui va suivre à celle que nous avons achevée, lorsque nous nous sommes adressés d'abord à celui qui niait absolument l'existence des dieux. Nous allons à présent la diriger contre ce jeune homme. Quant à vous, Clinias et Mégillos, chargez-vous